La peste noire est une pandémie de peste bubonique qui a touché la population européenne entre 1347 et 1351. Elle est la première épidémie de l’histoire à avoir été bien décrite par les chroniqueurs contemporains. Le qualificatif noire lui vient des tâches hémorragiques qui apparaissent sous la peau des personnes atteintes. On estime que la peste noire a tué entre 30 et 50 % de la population européenne en cinq ans, faisant environ vingt-cinq millions de victimes.
La peste bubonique sévissait de façon endémique en Asie centrale, et ce sont probablement les guerres entre Mongols et Chinois qui l’ont exportée. Le terme « bubonique » tire son nom des excroissances que produit la maladie (bubons, voir ci-dessous). En 1346, les Tartares mettent le siège devant la ville portuaire de Caffa, comptoir commercial génois en Crimée. L’épidémie touche bientôt assiégeants et assiégés, les Mongols catapultant des cadavres par-dessus les murs.
Le siège levé, faute de combattants valides, les bateaux génois peuvent désormais quitter la ville, disséminant la peste dans tous les ports où ils font halte : la maladie atteint Messine en septembre 1347, Gênes et Marseille en décembre de la même année. Venise est atteinte en juin 1348. En un an, la peste se répand sur tout le pourtour méditerranéen.
Dès lors, l’épidémie de peste s’étend à toute l’Europe, sur un terrain favorable : les populations n’avaient pas d’anticorps contre cette variante du bacille de la peste, et elles étaient déjà affaiblies par des famines répétées. En décembre 1349, la peste a traversé presque toute l’Allemagne, le Danemark, l’Angleterre, le Pays de Galles, une bonne partie de l’Irlande et de l’Écosse. Elle continue ensuite sa progression vers l’est et vers le nord dévastant la Scandinavie en 1350, s’arrêtant aux vastes plaines inhabitées de Russie en 1351.
Les conséquences de la peste noire sont multiples : économiques, sociales et religieuses. Des villages sont abandonnés, des terres cultivées sont remises en friche faute de main d’œuvre, la forêt regagne du terrain. D’un point de vue social, la mort à grande échelle a contribué à la concentration des petites possessions paysannes (frateries et descendances décimées) et la pénurie de main d’oeuvre a provoqué une hausse des salaires, en même temps qu’un relatif affaiblissement du pouvoir féodal. Tout n’est donc pas noir dans la peste…
L’hécatombe prête à toutes les superstitions, notamment apocalyptiques. Les flagellans apparaissent, se fouettant en processions, au grand dam de l’église (les flagellants sont laïcs). Les juifs, gitans et autres gens du voyage sont accusés d’empoisonner les puits, et persécutés. L’art se fait macabre… et les moeurs licencieuses.
La peste noire est la deuxième grande épidémie du moyen-âge, après la peste de Justinien (de 541 à 767, de manière discontinue). La maladie reviendra périodiquement en Europe jusqu’à la Renaissance, sans qu’on puisse parler vraiment d’épidémies.
La peste est à l’origine une affection des rongeurs sauvages vivant en terriers (marmotte, écureuil terrestre), mais quand, pour diverses raisons, le nombre de ces animaux diminue, les rats envahissent leur territoire et contractent la maladie, se contaminant les uns les autres par l’intermédiaire de leurs puces : quand l’un d’entre eux meurt près d’une habitation, ses puces s’attaquent à l’homme.
La contagion d’homme à homme se fait par l’entremise de la puce de l’homme, ou par inhalation directe de gouttelettes de salive contaminée. A partir d’un premier foyer, la contagion, surtout lorsque ne règne pas une bonne hygiène, s’étend de proche en proche, facilement aggravée par les mouvements de populations fuyant l’épidémie et emmenant avec elles des sujets déjà contaminés.
La peste se manifeste par une fièvre élevée, oscillante, souvent accompagnée de délire et d’hallucinations, ainsi que de troubles digestifs intenses. Son signe caractéristique est la présence d’un « bubon, » ganglion enflammé de très gros volume, siégeant à l’aine ou au creux de l’aisselle selon le point d’inoculation de la maladie, par piqûre de puce. Quelquefois, le bubon s’ouvre et le malade peut guérir, mais la plupart du temps il meurt en quelques jours, d’une infection généralisée (septicémie).