Lettre ouverte à mes compatriotes

Notre pays ne va pas bien, Vous n’allez pas bien, vous sentez confusément l’emballement d’une fuite en avant Ouvrez les yeux au lieu de les fermer !

63 millions de trouillards

Qu’on la nomme  » insécurité « ,  » terrorisme « ,  » dérèglement climatique « , il s’agit bien d’une vaste trouille : peur de manger, de boire, de fumer ; peur de rouler, peur de sortir, méfiance à l’égard de ses propres parents, de ses propres enfants ; peur des jeunes, peur des pauvres, peur des étrangers, peur des juifs, peur des musulmans, peur des Noirs, peur des Arabes, des Chinois ; peur du chômage, peur de la maladie, de la fonte des glaciers, du trou dans la couche d’ozone ; peur des bolchéviques, des homosexuels, peur, peur, peurs
Mille et une trouilles ont rythmé, rythment ou rythmeront votre quotidien, mille et une hontes que la multiplication des euphémismes camoufle mal ; mille et une démissions individuelles au nom d’une communauté de couardise…

L’atomisation

S’il n’y a pas d’excuse à la lâcheté, son explosion n’en est pas moins planifiée de longue date : seul, l’homme a peur, et quand il a peur, il réfléchit moins, obéit plus, accepte tout La confusion savamment orchestrée dans les années 60 entre niveau de vie et bonheur, le contraste entre l’accumulation triomphante et les privations de la guerre à peine refroidie, la jouissance forcément immédiate : il y a cinquante ans que tout est en place pour une compétition généralisée, qui va détruire le lien social par l’apologie de l’égoïsme, du cynisme, de l’accumulation imbécile.
Une plus belle voiture que le voisin, que le collègue, une machine à laver, le téléphone, les vacances : tout est bon pour se mesurer. La famille devient un fardeau, les voisins des adversaires

Puis ça se gâte, le chômage arrive. Alors, plutôt que de remettre en cause – au-delà du joli mois de mai – un système qui atteint ses limites, on accuse la société d’être sclérosée, dépassée, la fatalité du tout-économique fait son apparition, le laminage mondialiste entre en action sous les acclamations du peuple bientôt libre de son destin à court terme : tous capitalistes, et les meilleurs survivront !

A mesure que la situation se dégrade, la compétition s’amplifie. Petit à petit, les fondements de la société sont livrés en pâture aux lessiviers, comme on vend les bijoux de famille, les services publics deviennent inutiles ou nuisibles, ils doivent devenir compétitifs ou disparaître : pas de place pour les faibles, les vieux (ceux qui consomment, eux, s’appellent des séniors), les malades, les étrangers. Ce sera boîte vocale pour tout le monde ! En n’assurant plus que le rentable, on évite les déficits, comme aurait dit Monsieur De La Palice !
Ce qui compte, c’est que les prix baissent à court terme, pour qu’on puisse consommer plus, trouver de nouveaux marchés : les fonctionnaires sont des parasites, les chômeurs des fainéants ! Ceux qui le veulent peuvent s’en sortir !
Se sortir de quoi ? Pourquoi certains sont-ils dans un cloaque dont ils doivent se sortir, sinon parce que le cloaque en question est l’essence même du système : s’il n’y a pas de pauvres, à quoi sert d’être riche, puisqu’on n’est pas envié ? A quoi sert d’en mettre  » plein la vue  » à son collègue, s’il ne regarde pas ? Un fils d’ouvrier pourrait-il s’en sortir si les autres fils d’ouvriers s’en sortaient tous aussi ? Combien empocherait un gagnant du loto si tout le monde gagnait ? 99,9% d’échec, c’est le cœur du libéralisme.

Le bruit, la lumière et les cafards

A mesure que les lessiviers sapent les fondements de la société, l’abrutissement des foules se doit de détourner plus violemment l’attention. Produits, chanteurs, noms : rien ne dure plus de six mois, les repères qui permettent la réflexion sont de plus en plus vite balayés, tout est toujours plus bruyant, plus clinquant, plus aveuglant. Il est presque impossible de se concentrer. On montre des massacres toujours plus nombreux, plus spectaculaires, plus effrayants. On montre des joies artificielles, des réussites synthétiques, des compassions ruisselantes, des rires trop bruyants, des émotions scénarisées, un bavardage incessant. Tout est faux, creux, bidon. Derrière les discours, la précarisation est partout : professionnelle et donc économique, culturelle, sociétale.
La résignation fait l’objet d’une messe permanente, où l’on égrène à l’infini les compensations mirobolantes à notre démission, dans un déluge de déjections communicantes.
Sur ces ruines de la civilisation prospèrent les cafards, au fond des poubelles de l’esprit : sociétés de vigiles, fabricants de caméras de vidéosurveillance, constructeurs de résidences sécurisées, producteurs d’émissions racoleuses, vendeurs d’aliments sur-vitaminés, de voitures sur-équipées, de placements sur-performants, agences de communication, coaches personnels, politiciens alarmistes et décomplexants
Il y a une sorte de fascination pour la crapule, le corruptible, l’égoïste fier de lui. La vulgarité s’installe partout, il n’est plus question que d’argent : tout n’est que part de marché, budget, manne ; tout est quantifié pour donner une impression de sérieux et de maîtrise

Les mains libres

Et tout ça pour quoi ? Pour avoir les mains libres, faire des affaires sans entraves, s’enrichir encore et encore, pérenniser le système, sur votre dos. Ceux qui parlent d’ascenseur social veulent faire croire aux pauvres qu’un ascenseur ne fait que monter : ils savent bien que moins ils sont, mieux ils sont. Un petit groupe de puissants industriels fait la pluie et le beau temps, simulant une sorte de club largement ouvert aux talents, à grand renfort de success-story (à l’américaine bien sûr) bien télégéniques. La France glisse inexorablement vers le tiers-monde, avec de plus en plus de pauvres et des riches de moins en moins nombreux et de plus en plus riches grâce à vous, chers concitoyens-électeurs !
Grâce à vous, la phase finale du programme des seigneurs est enfin mis en application depuis bientôt un an par l’un des leurs : haro sur le fonctionnaire, le chômeur ; à bas le code du travail ; au régime, la sécurité sociale, l’éducation nationale et autres boulets !
Le  » Discount  » a déjà ruiné notre tissu industriel et commercial au nom des vertus de la concurrence, demain, il ruinera ce qui fait notre identité : des services publics de qualité, c’est cher ; une protection sociale de qualité, c’est cher ; une éducation qui ne se limite pas à la formation, c’est cher.
Vivre ensemble, c’est l’essentiel : après des milliers d’années de civilisation, on peut peut-être espérer mieux que la loi de la jungle, non ?

Maurice Favreau

Je suis Maurice Favreau, le cinéaste extraordinaire derrière cervelleslibres.info, votre refuge incontournable pour les musings cinématographiques et les critiques de films. En tant qu'architecte de cet espace cinématographique virtuel, j'apporte ma passion inébranlable pour l'écran d'argent à chaque critique, les transformant en explorations vivides de la narration et de la cinématographie. Cervelleslibres.info n'est pas juste un blog ; c'est une collection soigneusement sélectionnée de mes aventures cinématographiques et réflexions. Des chefs-d'œuvre classiques aux dernières sorties, je plonge dans les complexités de la réalisation de films, disséquant les intrigues, démêlant les arcs narratifs des personnages et célébrant l'art qui se dévoile image par image. Email:[email protected] / Visit Faceboook