William Carter vit aux crochets de son oncle, qui n’entend pas jouer éternellement les vaches à lait. L’idée d’avancer la date de l’héritage fait son chemin…
« Autre chose monsieur, votre neveu a téléphoné de New-York, il voudrait vous parler d’un problème dès son retour, il n’en a pas dit plus…– Vous savez Margaret, pourquoi mon cher neveu est allé à New-York ? Pour récupérer un coupé Mercedes importé, introuvable ailleurs. L’agent m’a téléphoné puisque William l’a assuré que je me porterais garant de lui ! Il y a quelques mois, une Land-Rover était nécessaire et suffisante, aujourd’hui, elle n’est plus que nécessaire. Et le problème, c’est qu’il va me demander dix ou vingt mille dollars pour l’appoint, si ce n’est pas trente, et pourquoi pas cinquante !. Alors vous m’entendez Margaret, je vais même faire mieux : j’irai jusqu’à cent mille mais pour solde de tous comptes. C’est la dernière fois ! » Margaret ne bronche pas, comme si les reproches lui étaient adressés. De toute manière, on ne coupe pas Alec Jefferson Baker…
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Marie est sur le point de se marier, elle va essayer sa robe ; le commandant Caulert cherche en vain l’identité d’un cadavre…
Je n’aurais jamais dû écrire cette histoire, exclusivement privée, jamais. De moi-même sans doute, je ne l’aurais pas fait. C’est Elle qui m’a convaincue, par un affreux après-midi d’automne en plein été, de tout raconter. Encore que convaincue soit un peu fort : selon elle, il fallait que je le fasse. Il m’aura fallu trois ans pour surmonter mes doutes et mes pages blanches, mes rires soudain inondés, mes soubresauts, les souvenirs qui s’éloignent. Il m’aura fallu revivre cent fois certaines douleurs pour leur trouver des mots, certains vertiges à en tomber.Maintenant le manuscrit est là, dans mes mains. Je regarde encore une fois la pile de feuilles noircies de traces abstraites, de vie, qui se courbe sous mes doigts et souffle un air de frais passé. On croit pouvoir relire la même histoire à l’infini, comme si l’on revivait à l’infini, comme dans jeu d’enfant. L’illusion est parfaite, mais on n’a passé l’âge. Comme à chaque fois, je reviens à grand-peine dans le présent. La vie apaisée d’aujourd’hui est si douce que le passé, quand il vient, y taille de vrais abîmes dont on ne se sort jamais tout à fait. Dehors, le soleil est partout, le zinc des toits est presque blanc. Au loin le ciel est plus gris, je vois la Tour, j’imagine la Seine à ses pieds. Le chat s’étire, rejoint la bande de lumière qui s’était éloignée, se rendormira très vite. En descendant l’escalier, le manuscrit à la main, je sens l’histoire se remettre à tourner dans ma tête, c’est l’ivresse inéluctable.
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Je marchais depuis quelques minutes seulement, j’avais passé la bosse de l’avenue du Maine, de sorte qu’en me retournant, et avec un peu d’imagination, je devinais la mer cachée juste au-delà, en lieu et place de la gare. J’étais venu en train, en début d’après-midi. Presque seul dans la voiture, j’avais laissé mes yeux se poser sur le paysage, les maisons, les jardins, sans regarder ni voir. Cent fois déjà, j’avais vu tout cela, agacé, pressé ou résigné, souriant ou triste… Combien de fois au juste ? Il y a des jours comme ça, où l’on prend conscience des accumulations : des semaines entières à se raser, des années de sommeil, des troupeaux de viande, c’est l ‘absurdité mais c’est la vérité, comme quoi l’une n’exclut pas l’autre. J’étais bien là, maintenant, et c’était absurde, cruel et absurde comme un destin dans un mauvais roman…
On a tous quelque-chose à perdre. On ne sait pas toujours quoi, rarement quand et où. Destin, diront certains. Egoïsme sans doute, on ne pense jamais à tous ceux qui ont perdu ou perdront la même chose que nous, qui perdent autre chose en même temps que nous, qui perdent des tas de choses ailleurs que là où nous sommes. La perte est-elle cette injustice si cruelle qu’elle nous détache du monde ou simplement une occasion trop belle de se désintéresser des autres ?Dans la brasserie enfumée qui s’agite en plein midi, au cœur de Paris, alors que l’été s’approche, ils sont là, seuls ou deux par deux, trois par trois ; certains se connaissent, la plupart ne sauront jamais qu’ils ont quelque-chose en commun L’essaim est calme en apparence, mais transitoire toujours, il ne va pas tarder à se disperser.
3 – COMPTES D’APOTHICAIRE
Deux cents. Ça sonne bien, deux cents, il n’y a plus rien derrière, alors on accorde. Deux cents familles, tant de fortunes ; deux cents milligrammes, un poison ; deux cents francs, comme autrefois ; deux cents pages, une aventure ; deux cents lignes, une lettre ; deux cents kilomètres, l’horizon.
Deux cents tonnes d’eau suspendues au-dessus de ma tête, en pleine ville, l’averse. Deux cents… peut-être.Qui porte la moindre attention à chaque kilomètre parcouru, qui se souvient seulement d’un seul ? Dans ma voiture, j’ai déjà oublié les quelques rues que je viens d’emprunter, les regards dans l’escalier, la couleur des murs, la poignée dans ma main, le bruit de la porte qui se referme. Pas de souvenirs, juste des concepts : l’acoustique, l’équilibre, l’évitement, la priorité ; des réflexes volontaires, des actes automatiques…