Si le terme antipape réveille dans notre inconscient des images de malédictions, s’il évoque par construction le terrifiant Antéchrist, la réalité est bien loin de ces considérations sur le bien et le mal. Les antipapes sont avant tout les avatars de luttes politiques, entre familles, entre zones d’influence (Byzance, Empire, Francs…), dans le cadre d’élections aux règles vagues, propices à la contestation… etc. Avec Grégoire X (bulle Ubi periculum du 7 juillet 1274) se met en place le système de conclave, qui assainit le mode d’élection. Avant cela déjà, en 1059, la bulle In Nomine Domini de Nicolas II avait limité le corps électoral aux cardinaux-évêques, mais sans pour autant éliminer le phénomène des antipapes. Parfois, le classement d’un élu en pape ou antipape varie avec le temps, voire reste indécis : la référence en la matière est l’annuaire pontifical (Annuario pontificio), publié chaque année par le Vatican, depuis 1912.
On cite parfois des antipapes imaginaires : il s’agit de successeurs présumés (et secrets) à l’antipape Benoît XIV après la fin du Grand Schisme d’Occident
Panorama des hérésies
NOM |
SIECLE |
DEBUT |
FIN |
COMMENTAIRES
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Laurent | 5 | 498 | 498 |
Opposé à Symmaque à 2 reprises (498 et 503) ; le jour de l’élection de Symmaque, le 22-11-498, le patrice Festus entraîne une partie du clergé à choisir pour souverain pontife l’archidiacre Laurent ; à la suite de troubles qui se produisent à Rome au sujet de cette double élection, on convient de prendre pour arbitre le roi Théodoric (bien qu’il soit arien) lequel se prononce en faveur de Symmaque ; un concile reconnaît Symmaque innocent en 499.
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Laurent | 6 | 501 | 505 |
Laurent (2e fois). Laurent ne renonce pas à ses prétentions : devenu évêque de Nocera, il accuse, en 503, Symmaque de divers crimes, notamment d’adultère et de rapacité, et les troubles recommencent à Rome ; un nouveau concile, réuni à Palma, instruit l’affaire, déclare Symmaque innocent des accusations portées contre lui et dépose Laurent, accusé d’eutychianisme.
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Dioscore | 6 | 530 | 530 |
Diacre d’Alexandrie, soutenu par le parti byzantin, est élu le 22 septembre contre Boniface II, par le clergé romain hostile aux Goths ; il meurt à Rome le 14-10-530. Boniface II condamne sa mémoire et force les électeurs de Dioscore à se rétracter ; mais Agapet Ier, pape en 535, le réhabilitera, ce qui amenera certains à le considérer comme pape légitime.
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Théodore II | 7 | 687 | 687 |
Il se soumet à Serge Ier.
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Pascal 1er | 7 | 687 | 692 |
Archidiacre de l’Eglise romaine, il est élu grâce à l’influence de l’exarque de Ravenne pendant que la majorité du clergé et du peuple reconnaît Serge ; convaincu de magie et refusant de se soumettre à Serge Ier, il sera relégué dans un monastère où il mourra au bout de 5 ans.
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Théophylacte | 8 | 757 | 757 |
Douteux…
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Constantin II | 8 | 767 | 768 |
Il appartient à une famille noble romaine. Avec ses trois frères, Théodore, Passivus et Pascal, il suscite une insurrection armée à la mort du pape Paul Ier et se fait acclamer pape par la foule. Étant laïc, il doit recevoir succesivement tous les ordres avant d’être consacré pape. Si le droit canonique désapprouve cette manière de faire, elle n’est pas inhabituelle à l’époque. Constantin annonce son élection à Pépin le Bref, lequel ne répond pas. Le seul opposant déclaré du nouveau pape est Christophe, primicier (chef) des notaires. D’abord réfugié dans la basilique Saint-Pierre, il obtient le droit de quitter Rome, sous prétexte de se retirer dans un monastère. Cependant, il demande et obtient le soutien de Didier, roi des Lombards d’Italie. Revenu à Rome avec une troupe, Christophe fait arrêter Constantin. Un tribunal ecclésiastique dépose Constantin le 6 août 768 parce qu’il était laïc lors de son élection. On lui crève alors les yeux et on l’enferme dans un monastère, où il meurt.
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Philippe | 8 | 768 | 768 |
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Jean | 9 | 844 | 844 |
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Anastase III | 9 | 855 | 855 |
Identifié à Anastase le Bibliothécaire (vers 815, + 880, Italien), bibliothécaire du Vatican qui assista au 4e concile de Constantinople (869), dont il traduisit les actes en latin (on a aussi de lui une Histoire ecclésiastique et une Histoire des papes depuis saint Pierre jusqu’à Nicolas Ier). L’antipape Anastase, anathématisé par Léon IV, mais soutenu par les empereurs Lothaire Ier et Louis le Germanique, ne se borne pas à protester contre l’élection de son rival : il se rend à Rome avec des agents impériaux de Louis II qui arrête Benoît III le 21 septembre 855 et l’accable de coups et d’injures ; mais Anastase, abandonné par les misssi impériaux, ne tarde pas à être chassé par le clergé romain le 26 septembre. Il deviendra le collaborateur de Nicolas Ier : brillant rédacteur de la chancellerie pontificale, il sera aussi le biographe de Nicolas Ier.
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Jean VIII | 9 | 855 | 857 |
Pour certains, il fut la papesse Jeanne.
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Sergius | 9 | 891 | 891 |
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Christophore | 10 | 903 | 904 |
Romain, prêtre de l’église Saint-Damase ; pape de septembre 903 à janvier 904 (déposé et emprisonné) ; il est exécuté en 906, probablement sur ordre de Serge III.
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Léon VIII | 10 | 963 | 964 |
Romain, laïc, protoscrinaire (officier du pape) ; candidat de l’empereur et désigné par le synode romain le 4-12-963, puis consacré le 6, il est déposé par les partisans de Jean XII le 26 février 964 mais est rétabli par Otton jusqu’à sa mort, le 17-3-965 ; il est considéré parfois comme antipape.
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Benoît V | 10 | 964 | 965 |
Dit Grammaticus, Romain, parfois considéré comme antipape ; élu le 14-5-954, consacré le 25 ; rival de Léon VIII, il est déposé par Otton Ier et exilé le 23 juin 964 à Hambourg où il meurt le 5 juillet 965.
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Boniface VII | 10 | 974 | 974 |
Consacré en juin 974, déposé en juillet (il s’enfuit à Constantinople avec le trésor du Vatican) ; excommunié par Benoît VII en 975 ; à son retour, en 984, il fera enfermer et assassiner Jean XIV.
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Boniface VII | 10 | 984 | 985 |
Francone (pour la 2e fois) ; il fait enfermer et sans doute mourir Jean XIV (20/8/984). 985 : mars, Lothaire IV prend Verdun ; juillet, mort de Boniface VII : son corps de Boniface est exposé aux insultes du peuple, traîné par les rues de la ville et finalement, nu et couvert de blessures, jeté et abandonné aux pieds de la statue de Marc-Aurèle (des prêtres lui donnèrent une sépulture chrétienne, le lendemain).
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Jean XVI | 10 | 997 | 998 |
Giovanni Philagatos, né à Rossano (Calabre), Grec d’origine ; évêque de Plaisance ; antipape élu par Crescentius et les Romains, en avril 997, il est déposé par Otton III en mai 998, puis accablé d’outrages et torturé (yeux et langue arrachés, nez et oreilles coupés). Le 2 avril 1013, il meurt à l’abbaye de Fulda.
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Grégoire VI | 11 | 1012 | 1013 |
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Benoît X | 11 | 1058 | 1059 |
Jean dit Mincius ou Minchione (stupide), Romain, comte de Tusculum, évêque de Velletri ; pape imposé par Grégoire, comte de Tusculum, et ses hommes de main le 5 avril 1058 ; déposé le 24 janvier 1059 ; déchargé de l’épiscopat et de la prêtrise, il se retire à Sainte-Marie-Majeure où il meurt vers 1073.
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Honorius II | 11 | 1061 | 1072 |
Pierre Cadalus, d’origine germanique, né v. 1009 à Vérone, + 1072 ; évêque de Parme ; élu pape le 28-10-1061 contre Alexandre II, grâce à l’appui du Saint Empire ; en 1062, il prend Rome ; déposé le 31 mai 1064 par le concile de Mantoue et excommunié, il se retire dans l’évêché de Parme.
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Clément III | 11 | 1080 | 1080 |
Guibert de Parme, archevêque de Ravenne, né en 1023, Italien ; élu le 25-6-1080 ;
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Clément III | 11 | 1084 | 1100 |
Guibert de Parme, archevêque de Ravenne,consacré le 24-3-1084, il est chassé de Rome la même année ; il revient après la mort de Grégoire VII (25-5-1085) ; sous Victor III (1086), il s’empare de Saint-Pierre, qu’il transforme en citadelle ; il est obligé, en 1087, de se retirer à Sainte Marie de la Rotonde, mais n’en continue pas moins de dominer sur une partie de la ville de Rome jusque sous Urbain II. Chassé par les Romains (1090), il rentre encore une fois dans la ville (1091), en sort de nouveau (1097) et se maintient dans une forteresse des environs de Ravenne jusqu’à sa mort (1100).
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Thierry | 12 | 1100 | 1100 |
Évêque de Sainte-Rufine. Antipape de septembre 1100 à décembre 1100
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Albert | 12 | 1102 | 1102 |
Évêque de Sabine. Antipape de février 1102 à mars 1102
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Sylvestre IV | 12 | 1105 | 1111 |
Maginulfe, né v. 1050, Romain, archiprêtre. Antipape du 18-11-1105 au 12-4-1111
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Grégoire VIII | 12 | 1118 | 1121 |
Maurice Bourdin ; né dans le Limousin ; archevêque de Braga ; légat de Pascal II auprès de l’empereur Henri V, il couronne ce prince, malgré les défenses du Saint-Siège, et, par sa protection, se fait élire pape le 8-3-1118 sous le nom de Grégoire VIII, pendant la consécration de Gélase II ; abandonné par son protecteur, il est déposé en 1121 et enfermé dans un monastère où il mourra en 1126.
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Ananaclet II | 12 | 1130 | 1138 |
Pietro Pierleoni, cultivé, né à Rome dans une famille de banquiers israélites convertis ; moine clunisien ; cardinal ; antipape élu le 14-2-1130, soutenu par la noblesse romaine et Roger II de Sicile ; excommunié en 1134 par le concile de Pise ; il meurt le 25 janvier 1138.
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Victor IV | 12 | 1138 | 1139 |
Gregorio Conti ; élu le 15-3-1138 avec l’appui du roi de Sicile, Roger II. Déposé le 29-5-1139.
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Victor IV | 12 | 1159 | 1164 |
Ottaviano di Monticelli, Italien, issu des comtes de Tusculum ; antipape : c’est le second Victor IV ; élu le 7-9-1159 par le parti impérial pendant que le parti normand faisait nommer Alexandre III ; consacré le 4 octobre, il chasse de Rome son concurrent et le somme de comparaître devant le concile de Pavie (1162) ; il meurt le 20 avril 1164.
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Pascal III | 12 | 1164 | 1168 |
Guido de Créma, antipape, né à Créma en Lombardie v. 1100, + à Rome misérablement le 20-9-1168 ; cardinal en 1155, il se rend en mission en Allemagne auprès de Frédéric Ier ; soutenu par l’empereur, il lutte contre le pape Alexandre III.
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Calixte III | 12 | 1168 | 1178 |
Jean Morson, abbé de Struma (Arezzo), antipape. Elu en septembre 1168, il abdique le 29-8-1178.
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Innocent III | 12 | 1179 | 1180 |
Lando, Italien de Sezze ; antipape élu le 29-3-1179 ; il ordonne aux évêques de veiller à ce que les Juifs ne soient pas maltraités par les Croisés ; il est déposé en juin 1180.
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Nicolas V | 14 | 1328 | 1330 |
Pietro Rainallucci dit Pierre de Corbière, né v. 1260 à Corvara, + 1333 à Avignon, Italien ; nommé le 12-5-1328 par Louis IV de Bavière (soutenu par les Franciscains) qu’il couronne empereur, il abdique finalement le 25-8-1330 et se soumet à Jean XXII dont il implore la clémence
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Clément VII | 14 | 1378 | 1394 |
Robert, comte de Genève ; élu le 20-9-1378 ; + 16-9-1394
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Benoit XIII | 15 | 1394 | 1423 |
Pedro Martinez de Luna (Pierre de Lune) ; élu le 28-9-1394 ; + 27-11-1422
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Alexandre V | 15 | 1409 | 1410 |
Petros Philargès (Pierre Filargo) dit Pierre de Candie, Crétois, débile (?) ; né en 1340, + le 3 mai 1410 ; élu le 26-6-1409 par le concile de Pise qui a déposé Grégoire XII (Rome) et Benoît XIII (Avignon) lesquels refusent de se soumettre (il y a donc 3 papes) ; consacré le 7 juillet.
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Jean XXIII | 15 | 1410 | 1415 |
Baldassare Cossa ; élu le 17-5-1410 ; déposé le 29-5-1415
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Clément VIII | 15 | 1423 | 1429 |
Gil Sanchez Munoz (v. 1380-26/12/1446 Espagne), chanoine de Barcelone ; antipape élu le 17-6-1423 par 3 cardinaux et soutenu par le roi d’Aragon, il succède à l’antipape Benoît XIII sur son siège à Peniscola (Espagne) : avant de mourir (23 mai 1423) ce dernier avait prévu de perpétuer le schisme en faisant nommer pape Gil Sanchez Munoz, par les cardinaux qui se trouvaient avec lui. Après des négociations, Clément VIII finira par se soumettre, le 26 juillet 1429, à Martin V qui lui donnera l’évêché de Majorque.
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Benoit XIV (Garnier) | 15 | 1425 | 1430 |
Bernard Garnier, Français, + 1433, prêtre sacriste de Rodez, antipape élu en 1424 par Jean Carrier, archidiacre de Saint-Antonin au chapitre de Rodez et cardinal créé par Benoît XIII, qui refuse de reconnaître Clément VIII. Benoît XIV et Jean Carrier se retirent, aux frontières de l’Albigeois et du Rouergue, dans les gorges du Viaur (affluent de l’Aveyron) où, sous la protection du comte Jean IV d’Armagnac, ils fondent l’Eglise de Viaur et maintiennent une cour pontificale jusque vers 1430 (les derniers fidèles de cette Eglise seront condamnés pour hérésie à Rodez en 1467). Jean Carrier, antipape à son tour, à la mort de Bernard Garnier, choisira de conserver le nom de Benoît XIV.
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Benoît XIV (Carrier) | 15 | 1433 | 1434 |
Jean Carrier, Français, cardinal, antipape élu par un seul cardinal, Jean Faral (nommé par le premier antipape Benoît XIV). Captif dans le château de Foix depuis son arrestation en 1433, il choisit de conserver le nom de Benoît XIV.
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Félix V | 15 | 1439 | 1449 |
Dernier des antipapes, duc Amédée VIII de Savoie, né à Chambéry 1383, + à Genève le 7-1-1451 ; veuf de Marie de Bourgogne morte en couches en 1422 ; en 1429 il réunit la Savoie au Piémont ; en 1434 il remet le pouvoir à son fils et fonde un ordre semi-monastique (ordre séculier de Saint-Maurice) au château de Ripaille (sur les bords du lac de Genève) ; sans être prêtre, il est élu le 5-11-1439 à Bâle par les pères conciliaires dissidents qui ont refusé le transfert du concile à Ferrare et déposé Eugène IV ; il est consacré le 24-7-1440 ; le 9-4-1449, il abdique en faveur de Nicolas V : il est nommé vicaire général papal de la maison de Savoie, cardinal et légat pontifical, évêque de Lausanne et de Genève. Il se serait livré à des orgies homosexuelles.
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